Hanwell et le no-restraint. Un rendez-vous manqué avec les aliénistes français? (2024)

En Angleterre, l’émergence de la psychiatrie comme discipline distincte de la médecine somatique, dans la première moitié du xixe siècle, s’inscrit dans le cadre de la réforme de la législation sur les aliénés. Cette réforme conduit à la création de nouveaux asiles publics dédiés au traitement des malades mentaux indigents, dont celui de Hanwell, dans la banlieue de Londres, en 1831.

1Dès sa nomination à la direction médicale de l’établissem*nt en 1839, le docteur John Conolly (1794-1866) met en place une politique de no-restraint (abandon des moyens de contention mécaniques) à une échelle jusqu’alors inédite : plus de mille patients en bénéficient. L’asile de Hanwell est ainsi explicitement conçu comme un outil dont la fonction première est thérapeutique et se veut un authentique lieu de soins. On y pratique le moral management, conception thérapeutique innovante d’inspiration pinélienne qui a la particularité de mettre l’accent sur la qualité de l’environnement et du mode de vie des patients, ainsi que sur les distractions variées qui leur sont proposées : jeux, pique-niques sur l’herbe, jardinage, fêtes de Noël, kermesses, ateliers de lecture à voix haute, musique, spectacles de lanterne magique, sport ou danse, mais aussi instruction au sein d’une école interne à l’asile. L’originalité de ce traitement s’accompagne d’une dimension sociale, voire politique : le docteur Conolly ne limite pas ses ambitions au strict domaine médical, il est connu pour son engagement en faveur de l’éducation populaire tout autant que pour son soutien au mouvement chartiste – qui milite pour l’extension du droit de vote aux hommes du peuple – ainsi que pour ses sympathies socialistes owénistes.

2L’asile de Hanwell devient célèbre en son temps et sert de modèle à bon nombre d’institutions : il s’impose comme une référence dans le traitement des aliénés pendant plus de trente ans, particulièrement en Angleterre. De l’aveu même de John Conolly, le cadre pratique et théorique du no-restraint lui aurait été fourni par deux pionniers de chaque côté de la Manche : Philippe Pinel et William Tuke. Il reconnaît, à parts égales, «Pinel et Tuke comme les hommes qui ont ouvert la voie au système plus accompli de no-restraint[1] », avec l’idée sous-jacente que l’un en aurait conçu le cadre théorique, quand l’autre en aurait élaboré les modalités pratiques. Cette reconnaissance de l’œuvre accomplie par Pinel s’inscrit chez Conolly dans une forme plus large de francophilie quasi inconditionnelle – chose suffisamment rare chez lez aliénistes britanniques contemporains pour être soulignée – que différents facteurs personnels peuvent expliquer : John Conolly a été élevé par sa mère (veuve) et son beau-père, réfugié politique français qui lui a enseigné sa langue. Conolly a par ailleurs vécu près d’un an dans la région de Tours, où son frère était médecin, lorsqu’il avait une vingtaine d’années. C’est ainsi qu’il exprimera régulièrement un goût profond pour la langue française qui ne se démentira pas sa vie durant, notamment dans une lettre adressée à son ami le docteur Battel, médecin à l’hôpital de Bicêtre [2]. On peut facilement imaginer que cette maîtrise du français ne sera pas sans incidences sur sa pratique en tant qu’aliéniste, car cela lui donnera un accès aisé et direct aux écrits de Philippe Pinel et Étienne Esquirol, dont il se nourrira, ainsi qu’aux travaux de ses contemporains, Jean-Pierre Falret [3] notamment, qu’il cite fréquemment car il admire son action en faveur de l’éducation des aliénés et le considère comme un aliéniste humaniste.

3Compte tenu de tous ces éléments, il est permis de s’interroger sur le peu d’écho, ou plutôt le peu de succès, que l’application du no-restraint semble rencontrer dans la France contemporaine. Non que les aliénistes français ignorent tout de ce qui se pratique outre-Manche, bien au contraire. Comme le souligne Marcel Jaeger : « Tout au long du xixe siècle, ce terme no-restraint, jugé intraduisible en français, sera la pierre d’achoppement des discussions sur la psychiatrie [4]. » Cet article se propose de démontrer l’influence manifeste de l’expérience menée à Hanwell sur la psychiatrie anglaise, tout en s’interrogeant sur les fortes réticences des aliénistes français quant à la possibilité d’une adoption de ce système de soins innovant.

4Le no-restraint, qui semble aller de soi pour les Anglais dans la seconde moitié du siècle, est pourtant bien difficile à imposer dans les années 1830 et son application dans un asile de la taille de Hanwell représente une véritable révolution dans le monde des aliénistes de l’époque. Dans un délai relativement bref à l’échelle de l’histoire de la psychiatrie, il devient, contre toute attente, la norme de traitement dans les asiles anglais. Les chiffres sont parlants : si vers le milieu des années 1840 on ne trouve que cinq asiles sur tout le territoire anglais qui ont renoncé à l’usage des moyens de contention, à partir de 1854 ce sont vingt-sept institutions sur la trentaine d’asiles publics du royaume qui ont adopté le système de no-restraint, et neuf sur les quatorze asiles privés [5]. Plus marquant encore, deux ans plus tard, il ne reste plus qu’un seul asile parmi les établissem*nts publics à ne pas avoir abandonné la coercition physique. Les premiers à adopter ces nouvelles méthodes de traitement sont les asiles de Northampton, de Lancaster, de Gloucester et de Stafford, et l’Écosse, l’Irlande et le pays de Galles sont également concernés [6]. À l’asile de Rainhill, qui ouvre ses portes en janvier 1851, la décision est prise de n’utiliser aucun moyen de contention mécanique et de vastes espaces paysagers sont prévus comme jardins d’agrément [7], sur le modèle de Hanwell. Quant à l’asile de Derby, ouvert la même année pour accueillir 370 patients, il a été entièrement conçu d’après les indications données dans l’ouvrage de Conolly [8], paru en 1847 et fort justement intitulé On the Construction and Government of Lunatic Asylums and Hospitals for the Insane[9]. L’exemple de Hanwell est régulièrement cité comme celui d’un établissem*nt précurseur [10] dès 1844, et même comme véritable modèle lorsqu’il s’agit de construire un nouvel asile [11].

5Que l’asile de Hanwell soit devenu un exemple à suivre sur le plan national n’est pas totalement le fruit du hasard. Ce phénomène est dû, bien entendu, aux méthodes thérapeutiques innovantes qui ont attiré sur Hanwell une attention positive et une forme d’étonnement admiratif de la part du grand public. Il est également le résultat d’une volonté affirmée des magistrats du Middlesex de créer un asile dont les autres comtés pourraient s’inspirer et qui apporterait la preuve éclatante de leur efficacité [12]. John Sergeant Adams, l’un des membres les plus actifs du comité de direction, ne se cache pas de vouloir faire de cette institution un modèle d’envergure internationale, allant jusqu’à affirmer que « les yeux de l’Europe tout entière sont à présent rivés sur l’asile de Hanwell [13] ». Si cette influence de Hanwell sur toute l’Europe n’est pas clairement avérée, en dépit des nombreux visiteurs étrangers qui viennent visiter l’asile, le modèle semble très bien fonctionner sur le territoire anglais et même dans les territoires plus lointains de l’Empire britannique. On retiendra l’exemple du docteur James George Davey, médecin à Hanwell jusqu’en 1844, nommé directeur médical d’un asile nouvellement créé sur l’île de Ceylan [14], à Hendelle, près de Colombo [15]. Sa nomination est accueillie avec fierté et satisfaction par Conolly qui y voit une preuve éclatante de « l’estime dont jouit le système appliqué à Hanwell jusque dans les parties les plus reculées de l’Empire [16] ». En 1867, un article du Journal of Mental Science précise que «les quatre rapports annuels de l’asile du comté à Hanwell publiés par le docteur Conolly pour les années 1839, 1840, 1841 et 1842 constituent aujourd’hui encore une référence incontournable dans notre traitement des aliénés indigents au sein des asiles publics anglais [17] ». Les exemples abondent d’asiles qui développent des activités récréatives variées pour leurs patients, dans la lignée de ce qui se pratique à Hanwell. L’asile de Colney Hatch calque de toute évidence son approche thérapeutique sur Hanwell, dont il est d’une certaine manière le prolongement, construit pour pallier l’insuffisance de places à Hanwell, et placé sous l’autorité du même comté du Middlesex. Il est d’ailleurs présenté dès son ouverture, et sans aucune ambiguïté, comme un asile modèle : « Les visiteurs de l’Exposition universelle de 1851 sont invités à venir contempler les splendeurs de l’asile d’aliénés de Colney Hatch, et un guide est imprimé spécialement à leur intention [18]. » Des fêtes, des bals, des spectacles de lanterne magique y sont organisés, ainsi que des concerts, des conférences ou des excursions [19]. Une école y est également ouverte [20]. Ces activités deviennent très fréquentes dans bon nombre d’asiles, par exemple à l’asile de Saint Andrew, à Northampton. Il faut préciser d’emblée que son directeur, dans les années 1850, n’est autre qu’un certain docteur Nesbitt, ancien médecin de l’asile de Hanwell sous Conolly [21]. De la même manière, l’asile de Bethlem, de sinistre réputation, change de politique de soins de manière radicale en 1852, et adopte le no-restraint ainsi que le cadre de vie et les activités qui lui sont associés [22]. C’est le docteur William Charles Hood qui est à l’origine de ce changement, un médecin qui, sans grande surprise, a fait ses débuts à Colney Hatch, avant de prendre la direction de Bedlam en 1852 [23]. Les asiles du comté du Bedforshire ne sont pas en reste et le même type de divertissem*nts qu’à Hanwell y est proposé, avec un accent particulier mis sur le sport pour les hommes – du cricket et du football [24]. Les médecins qui ont travaillé à Hanwell et poursuivent leur carrière dans d’autres institutions, comme le docteur Nesbitt précédemment cité, mais également le docteur Hitchman qui obtient en 1850 un poste de directeur à l’asile public de Derby [25], ou bien encore le docteur Denne, qui dirige à partir de novembre 1854 l’asile de Bedford [26], contribuent grandement à répandre le no-restraint sur l’ensemble du territoire.

6Le docteur Conolly en personne exerce une influence sur nombre de ses futurs collègues car il participe dès 1842 à la formation des étudiants en médecine. Les cours sont aussi bien pratiques que théoriques [27] et ont lieu sur place, à Hanwell. Parmi les sujets abordés avec les jeunes médecins, on trouve, fort logiquement, « une exposition des principes et des avantages du système de no-restraint tel qu’il est appliqué au sein de l’asile [28] ». Les conférences de Conolly, et ses pratiques, sont par ailleurs régulièrement relayées par la presse. The Lancet, revue médicale influente et respectée [29], apporte un soutien inconditionnel à Conolly, et Thomas Wakley, son rédacteur en chef, est un partisan convaincu du no-restraint, qu’il appelle « le traitement humain [30] ». Il assure ainsi une large diffusion d’extraits choisis des rapports annuels de l’asile [31]. Conolly présente en outre une série de conférences devant le Royal College of Physicians en 1849, qui sont intégralement publiées dans The Lancet, puis reprises sous forme de livre, sous l’intitulé The Croonian Lectures [32]. Le Times[33] ainsi que le Lloyd’s Weekly London Newspaper [34] mentionnent également les rapports de Conolly.

7Les conditions sont donc réunies pour que le no-restraint devienne la norme dans les asiles des années 1850, d’autant que l’asile de Hanwell bénéficie d’un indéniable prestige, et que des visiteurs de haut rang affluent : on peut citer à titre d’exemple « Son Altesse royale le duc de Cambridge », qui affirme suite à sa visite qu’« il est tout à fait souhaitable que le système appliqué à Hanwell soit adopté dans tous les établissem*nts de ce type [35] ». D’autres visiteurs de marque se rendent à Hanwell, et notamment « plusieurs […] pairs du royaume ainsi que des membres de la Chambre des communes [36] » ; ils ont droit à une visite guidée et commentée de l’établissem*nt, contribuant ainsi à la publicité faite autour de l’asile de Hanwell et, par là même, à l’adoption généralisée de son modèle thérapeutique humaniste en Angleterre.

8En dépit des transformations que subit le traitement moral pinélien lors de son passage au moral management dans la version de Conolly, il n’en reste pas moins la source originelle qui sous-tend la réforme des asiles anglais. On pourrait donc s’attendre, comme le fait le très francophile docteur Conolly, à ce que les Français soient au moins intéressés, sinon passionnés par le développement du traitement moral en Angleterre et par l’ampleur qu’il prend dans un laps de temps aussi court. Il n’en est pourtant rien, et l’asile de Hanwell ne sera jamais un modèle pour la majorité des aliénistes français. Il est pourtant avéré que des personnalités françaises (entre autres visiteurs venus d’Italie ou de Prusse) [37] font le voyage jusqu’à Hanwell pour venir constater par elles-mêmes l’innovation thérapeutique dans le traitement des aliénés: « Leurs Altesses royales le duc de Nemours et le duc d’Aumale [38] ont visité l’asile aujourd’hui, en compagnie du docteur Geneam de Mucey, médecin de Louis Philippe. […] Le docteur de Mucey étant un ancien interne de La Salpêtrière, où il a résidé sous la direction du célèbre Esquirol, il était tout prêt à apprécier à leur juste valeur les dispositions prises pour les différents cas, et à en expliquer les avantages aux illustres visiteurs, qui ont quitté l’asile au terme d’une visite de trois heures, avec force démonstrations de la satisfaction qu’ils ont retirée de ce qu’ils ont pu y voir [39]. »

9L’Exposition universelle qui a lieu à Londres en 1851 attire encore davantage de visiteurs étrangers à l’asile [40]. Le rayonnement de Hanwell au-delà des frontières est indéniable mais son influence semble plus que limitée en France. Roy Porter fait le constat suivant : « En dépit de la libération des chaînes effectuée par Pinel, l’abandon total des moyens de contention mécaniques était vu par les réformateurs européens comme une idée fixe chimérique propre aux Anglais, une marotte du libéralisme doctrinaire, et il fut très rarement imité [41]. »

10Comme le fait remarquer Marcel Jaeger, si des aliénistes français rendent visite à Hanwell, à leur retour un débat idéologique et technique s’engage, parfois de manière virulente. Parmi les opposants au système, A. Brierre de Boismont prend position le premier en 1844 : « Il craint la multiplication des actes d’automutilation, de violence ; il ne croit pas que la suppression de la camisole réduise les risques de suicide comme le dit John Conolly [42]. » II voit dans le no-restraint une forme de philanthropie excessive dont il condamne les « résultats déplorables [43] ».

11Le fait que le no-restraint ne soit pas accepté au pays de Pinel et d’Esquirol fut, d’après son biographe J. Clark, « une grande déception pour le docteur Conolly, d’autant plus grande qu’il comptait parmi les médecins aliénistes parisiens de nombreux amis qu’il estimait, et dont il n’ignorait pas les sentiments pleins d’humanité envers les aliénés, et le désir sincère d’améliorer leur traitement [44] ». John Conolly fait d’ailleurs remarquer en 1856 que le no-restraint « a été discuté avec minutie et condamné tout particulièrement dans d’importants rapports officiels en France [45] », et l’influence de M. Battel, « inspecteur général des hôpitaux publics de Paris », n’y change rien, car il « ne parvient pas à persuader ses collègues de partager son opinion sur le sujet [46] ». Ce dernier est pourtant revenu de sa visite à Hanwell totalement conquis, tant par les qualités humaines de Conolly que par le système de no-restraint, dont il vante les mérites. De la même manière, le docteur Morel est envoyé en Angleterre en juillet 1858, « afin d’étudier les procédés aux moyens desquels les médecins anglais sont parvenus à ne plus se servir des moyens dits de coercition dans le traitement des aliénés [47] ». Le rapport extrêmement détaillé qu’il publie en 1860, Le no-restraint, ou de l’Abolition des moyens coercitifs dans le traitement de la folie[48]…, est un plaidoyer passionné en faveur du no-restraint[49]. Comme l’indique Bernard de Fréminville, le docteur Morel « se fait l’interprète (au sens propre du terme, puisqu’il traduit les textes anglais) et le défenseur éloquent des thèses de Conolly : il écrit, il publie, il discourt pour mieux faire valoir les avantages du no-restraint et faire pièce aux arguments antagonistes [50] ». Si certains de ses confrères ne manquent pas de couvrir d’éloges « l’humanisme éclairé des Britanniques [51] », ils se gardent bien d’appliquer le même système chez eux. Cette « adhésion de façade et ce concert de louanges » ne changent rien au fait que, selon Fréminville, « c’est en toute connaissance de cause et en ayant toujours volontairement écarté une mesure qui relevait du possible que les aliénistes français du xixe siècle gouvernèrent leurs services [52] ». Comme le souligne Yannick Ripa dans un ouvrage consacré aux asiles français du xixe siècle, le débat sur le no-restraint, « n’a pas eu en France le dynamisme, et encore moins l’application, qu’il connaît en Angleterre [53] », et ce malgré la connaissance incontestable qu’ont les aliénistes français du type de traitement qui se pratique à l’asile de Hanwell et même si certains d’entre eux semblent y être théoriquement favorables. Dans une critique de l’ouvrage de Conolly, Treatment of the Insane without Mechanical Restraints[54], lors de sa parution en 1856, un journaliste du Literary Examiner rappelle à ses lecteurs que c’est indéniablement grâce à Conolly que l’Angleterre, durant les dix dernières années, « a montré l’exemple au reste de l’Europe [55] » en termes de traitement des aliénés, mais comme il le précise aussitôt : « Encore faut-il que cet exemple soit suivi. Les médecins européens, sans exception ou presque, refusent encore de croire en ce qui a désormais été démontré dans tous les asiles publics d’aliénés en Grande-Bretagne, à savoir que les camisoles de force, et tout autre moyen d’asservissem*nt ou d’imposition de la terreur dont les camisoles de force ne sont que la représentation, peuvent être et devraient être à jamais abandonnés par ceux à qui l’on confie la tâche de prendre soin des aliénés [56]. »

12La situation décrite dans le numéro d’octobre 1867 du Journal of Mental Science est également tout à fait révélatrice du peu d’impact qu’a eu le no-restraint en France : « En France, il y a environ 2 000 aliénés qui portent constamment une camisole de force. […] Il est à souhaiter fortement que la pratique du no-restraint soit adoptée en Europe continentale. Il est tout à fait honteux de devoir avouer que 50 000 aliénés sont enfermés dans des cellules, et dans des cellules particulièrement lugubres, et contraints de porter une camisole de force. Je pense qu’une protestation sensée et énergique émanant [de la British Medico--Psychological Association] serait très efficace pour remédier à cet état de fait barbare [57]. »

13Il est donc difficile de partager l’optimisme de J.T. Arlidge, qui affirme en 1863 que « le no-restraint gagne rapidement du terrain en France, sous les auspices de Messieurs Morel et Girard de Cailleux et de bien d’autres [58] ». Même si certaines initiatives individuelles peuvent exister – telle celle de John Bost à l’asile de La Force [59] (en Dordogne) –, la France, berceau du traitement moral, restera obstinément hermétique au moral management, cette version anglaise d’un traitement moral plus pragmatique et appliqué au quotidien. Il n’est pas exclu que certains établissem*nts, à la marge, aient pu prendre l’initiative d’adopter une forme de no-restraint, mais on ne se trouve en aucun cas devant une orthodoxie psychiatrique telle qu’elle existe en Angleterre.

  • [1]

    Toutes les traductions des citations de cet article sont effectuées par l’auteur. J. Clark, A Memoir of John Conolly, Londres, John Murray, 1869, p. 19.

  • [2]

    Ibid., p. 3.

  • [3]

    Falret (1794-1870) est médecin, puis chef de service à La Salpêtrière de 1821 à 1867.

  • [4]

    M. Jaeger, « Aux origines de la profession d’infirmier psychiatrique. 3. La constitution d’une profession », vst, n° 133, 2017, p. 104-123.

  • [5]

    Ibid.

  • [6]

    J. Conolly, Treatment of the Insane without Mechanical Restraints, Londres, Smith, Elder and Co, 1856, p. 30.

  • [7]

    R. Parker et coll., « County of Lancaster Asylum, Rainhill: 100 years ago and now », History of Psychiatry, n° 4, mars 1993, p. 96.

  • [8]

    R.H. Steen, « The evolution of asylum architecture, and the principles which ought to control modern construction », Journal of Mental Science, vol. 46, janvier 1900, p. 89.

  • [9]

    J. Conolly, On the Construction and Government of Lunatic Asylums and Hospitals for the Insane, Londres, John Churchill, 1847.

  • [10]

    L. Winslow, Manual of Lunacy: A Handbook Relating to the Legal Care and Treatment of the Insane in the Public and Private Asylums of Great-Britain, Ireland, United States of America and the Continent, Londres, Smith, Elder, 1874, p. 155.

  • [11]

    The Bristol Mercury, 13 juillet 1844.

  • [12]

    A. Suzuki, « The politics and ideology of no-restraint: The case of the Hanwell asylum », Medical History, n° 39, 1995, p. 13.

  • [13]

    F. Tebbutt, Letter to the Magistrates of the County of Middlesex, from the Rev. Francis Tebbutt (Chaplain of the County Pauper Lunatic Asylum, at Hanwell), Londres, John W. Parker, 1841, p. 29.

  • [14]

    Actuellement le Sri Lanka.

  • [15]

    « 71st Report of the Visiting Justices, 1844 », London Metropolitan Archives, H11/HLL/A/05/002 ; « 5th Report of the Physician, October 1st, 1844”, LMA, H11/HLL/A/05/002, p. 4 ; Morning Post, 28 janvier 1850.

  • [16]

    « 5thReport of the Physician… », op. cit.

  • [17]

    L.C. Robertson, « The care and treatment of the insane poor », Journal of Mental Science, vol. 13, octobre 1867, p. 293.

  • [18]

    E. Showalter, « Victorian women and insanity », dans A. Scull (sous la direction de), Madhouses, Mad Doctors and Madmen. Social History of Psychiatry in the Victorian Era, Philadelphie, université de Pennsylvanie, 1981, p. 314.

  • [19]

    R.A. Hunter, I. Mc Alpine, Psychiatry for the Poor, 1851 Colney Hatch Asylum- Friern Hospital 1973, A Medical and Social History, Folkestone, Dawsons of Pall Mall, 1974, p. 44.

  • [20]

    Ibid.

  • [21]

    A. Foss, K. Trick, St Andrew’s Hospital, Northampton: The First One Hundred and Fifty Years, 1838-1988, Cambridge, Granta Editions, 1989, p. 81.

  • [22]

    J. Andrews et coll., The History of Bethlem, Londres, Routledge, 1997, p. 489.

  • [23]

    Ibid., p. 488 ; A. Masters, Bedlam, Londres, Michael Joseph, 1977, p. 170.

  • [24]

    S. Rutherford, The Victorian Asylum, Princes Risborough, Shire Library, 2008, p. 38.

  • [25]

    The Derby Mercury, 17 juillet 1850.

  • [26]

    « Matron’s Report, Catherine Macfie », non daté (1855), LMA, H11/HLL/A/05/004, p. 29.

  • [27]

    « Resident Physician’s Report », 1842, LMA, H11/HLL/A/05/002, p. 46.

  • [28]

    The London Medical Gazette, 9 août 1844.

  • [29]

    Cette revue spécialisée reste une référence aujourd’hui encore dans les milieux médicaux. Fondée en 1823 par T. Wakley, elle était clairement identifiée en son temps comme une publication radicale, politiquement ancrée à gauche.

  • [30]

    A. Roberts, dans « 1842, Lunacy Inquiry Act », www.studymore.com

  • [31]

    The Lancet, 11 décembre 1841, p. 382.

  • [32]

    J. Conolly, « The Croonian Lectures » (1849), LMA, H11/HLL/Y/02/009.

  • [33]

    The Times, 18 novembre 1840.

  • [34]

    Lloyd’s Weekly London Newspaper, 10 décembre 1843.

  • [35]

    « 61st Report of the Visiting Justices, 1842 », LMA, H11/HLL/A/05/002, p. 5.

  • [36]

    « 64th Report of the Visiting Justices, 1842 », LMA, H11/HLL/A/05/002, p. 8.

  • [37]

    Le rapport annuel de 1850 fait état de 2 726 visiteurs, venus d’Europe, d’Amérique et d’Orient. « 5th Report of the Committee of Visitors, 1850 », LMA, H11/HLL/A/05/003/A, p. 20.

  • [38]

    Exilé en Angleterre depuis 1848.

  • [39]

    « 12th Report of the Physician, January 1st, 1850 », LMA, H11/HLL/A/05/003/A.

  • [40]

    40 « 7th Report of the Committee of Visitors, 1852 », LMA, H11/HLL/A/05/003/A, p. 4.

  • [41]

    Roy Porter, Madness: A brief History, Oxford, Oxford University Press, 2002, p. 115-116.

  • [42]

    M. Jaeger, op. cit., p. 44.

  • [43]

    Ibid.

  • [44]

    J. Clark, op. cit., p. 126.

  • [45]

    J. Conolly, The Treatment of the Insane…, op. cit., p. 41.

  • [46]

    J. Clark, op. cit., p. 16.

  • [47]

    B-A. Morel, Le no–restraint, ou de l’Abolition des moyens coercitifs dans le traitement de la folie, suivi de considérations sur les causes de la progression dans le nombre des aliénés admis dans les asiles, par le Dr Morel, Médecin en chef de l’Asile de Saint-Yon (Seine-Inférieure), Paris, Victor Masson, 1860, p. 6.

  • [48]

    Ibid.

  • [49]

    Ibid., p. 12.

  • [50]

    B. de Fréminville, La raison du plus fort. Traiter ou maltraiter les fous?, Paris, Le Seuil, 1977, p. 48.

  • [51]

    Ibid., p. 52.

  • [52]

    Ibid.

  • [53]

    Y. Ripa, La ronde des folles. Femmes, folie et enfermement au xixesiècle, 1838-1870, op. cit., p. 151.

  • [54]

    J. Conolly, Treatment of the Insane, op. cit.

  • [55]

    55  The Examiner, 30 août 1856.

  • [56]

    Ibid. ; Freeman’s Journal and Daily Commercial Advertiser, 17 octobre 1856.

  • [57]

    B. Mundy, « A comparative examination of the laws of lunacy in Europe”, Journal of Mental Science, vol. 13, octobre 1867, p. 321-324.

  • [58]

    J.T. Arlidge, « No-restraint abroad », Journal of Mental Science, vol. 9, avril 1863, p. 89-90. Arlidge nous apprend que le Dr Sankey, successeur de Conolly, prêtera main forte au Dr Morel dans sa défense du no-restraint en publiant un article en français dans les Annales médico-psychologiques d’octobre 1862.

  • [59]

    M. Baron, John Bost, la cité utopique, Carrières-sous-Poissy, La Cause, 1998.

Hanwell et le no-restraint. Un rendez-vous manqué avec les aliénistes français? (2024)
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